L'art islamique
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- 11 avr. 2024
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Les expressions arts de l'Islam et art islamique désignent la production artistique qui s'est développée depuis l'hégire (622 de l'ère chrétienne) jusqu'au 19ème siècle dans un territoire s'étendant de l'Espagne jusqu'à l'Inde et habité par des populations de culture islamique.
L'art produit dans le contexte du monde islamique présente une certaine unité stylistique. L'emploi d'une écriture commune dans toute la civilisation islamique et la mise en valeur particulière de la calligraphie renforcent cette idée d'unité. D'autres éléments ont été mis en valeur, comme l'attention portée au décoratif et l'importance de la géométrie.
En architecture, des bâtiments aux fonctions spécifiques, comme des mosquées et des madrasas, sont créés dans des formes très variées mais suivant souvent un même schéma de base. S'il n'existe quasiment pas d'art de la sculpture, le travail des objets de métal, d'ivoire ou de céramique atteint fréquemment une grande perfection technique. Il faut aussi souligner la présence d'une peinture et d'une enluminure dans les livres sacrés et profanes.
Les arts de l'Islam ne sont pas proprement religieux : l'Islam est ici considéré comme une civilisation plutôt que comme une religion. Contrairement à une idée reçue, il y existe des représentations humaines ou animales : celles-ci ne sont bannies que dans les lieux ou ouvrages religieux (mosquées, madrasas, Corans), en dépit de quelques exceptions.
L'art du livre regroupe à la fois la peinture, la reliure, la calligraphie et l'enluminure, c’est-à-dire les arabesques et les dessins des marges et des titres. Les motifs décoratifs sont légion dans cette forme d'art et extrêmement variés, depuis les motifs géométriques jusqu'aux arabesques. La calligraphie en terre d'Islam est considérée comme une activité majeure. En outre, les représentations d'êtres vivants sont exclues des lieux et des ouvrages religieux ; la calligraphie fait donc l'objet de soins tout particuliers, dans le domaine religieux mais aussi dans les œuvres profanes.

Avant le 19ème siècle
Les premiers objets islamiques sont arrivés en Europe via les trésors d'église. Ainsi, ivoires, cristaux et tissus islamiques ont servi de reliquaires. L'Égypte fatimide, lieu où se trouvaient de nombreux chrétiens, a beaucoup fourni l'occident en objet de luxe.
À partir du 16ème siècle, avec le développement du collectionnisme, des objets de pierre dure fabriqués dans la civilisation islamique se retrouve chez des particuliers. Les collections royales françaises, notamment sous Louis XIV, contenaient ainsi de nombreux objets en pierre ottomans, actuellement aussi conservés au Louvre. La « chasse aux manuscrits » que mène Colbert permet également d'introduire en France des manuscrits arabes, persans et turcs.
C'est au 17ème siècle qu'a lieu la première traduction en français du Coran, grâce à André du Ryers (1647). D'autres s'intéressent également aux poètes, comme Hafez et Saadi, et en 1704 parait la première édition des mille et unes nuits en français, dans une version d'Antoine Galland.
L'intérêt pour l'art islamique se trouve donc, jusqu'au 19ème siècle, en particulier chez les bibliophiles, les paléographes et les médiévistes.
Le 19ème siècle
C'est avec la formation des collections que se développe l'intérêt pour les arts de l'Islam. Dans un contexte, orientaliste, ce sont les historiens qui donnent l'impulsion, et les études de langues orientales se développent, permettant un meilleur accès aux différentes cultures de l'Islam. Dès 1795 est créée à Paris l'école des langues orientales.
Il faut resituer ce développement dans son contexte, avec les premiers pas de l'archéologie et la colonisation. Depuis 1798, l'Égypte est dirigée par des puissances occidentales, qui créent en particulier l'institut français du Caire.
Les collections prennent de l'ampleur à partir des années 1850, et restent très éclectiques, comme celle de Charles Sauvageot, dont les documents montrent qu'il s'agissait en quelque sorte d'un « bric-à-brac luxueux ». La collection d'Albert Goupil, vendue en 1888, constitua le fonds d'art islamique des arts décoratifs, tandis que la baronne Delort de Gléon léguait la collection de son mari au musée du Louvre en 1912. Peu à peu, les collections spécialisées prennent leur essor, et permettent l'expansion du marché de l'art parisien à ce domaine.
La naissance de la discipline
On considère généralement Gaston Migeon, conservateur au Louvre jusqu'en 1923, comme le père de l'histoire des arts de l'Islam. À la frontière entre 19ème et 20ème siècle, ce qui était jusqu'alors considéré comme un artisanat s'arroge peu à peu le statut d'art, tandis que les scientifiques prennent la relève des amateurs.
Dès 1828 a lieu la première publication plus ou moins scientifique d'une collection d'art islamique, celle du duc de Blacas (diplomate mort en 1839), par Joseph Reinaud, un grand arabisant. L'ouvrage parle alors de « monuments musulmans ».
La présence de nombreux architectes au Caire sous le règne de Méhémet Ali (1805-1848) entraîne aussi des publications, comme celle de Pascal Xavier Coste, L'Architecture arabe ou les monuments du Caire (1837).
D'autres pays intéressent les amateurs, comme l'Espagne : Giraud de Prangey s'intéresse ainsi aux Monuments de Cordoue, puis à ceux de Séville, grenade, avant lui aussi de se tourner vers l'Égypte.
L'évolution des expositions universelles montre bien à quel point l'intérêt pour les arts de l'Islam se développe au cours du 19ème siècle. Ainsi, en 1851, à Londres, il n'existe aucun pays oriental représenté, bien qu'à la même période soient publiés des recueils de « motifs arabisants » pour les artistes des arts décoratifs. En 1855, à Paris, on remarque l'apparition d'un « quartier oriental », à la présentation « exotique », présentant des « denrées, des étoffes et des objets de l'artisanat » provenant de Turquie, mais aussi d'Égypte et de Tunisie, officiellement sous domination ottomane. L'exposition universelle de 1867 présente l'Égypte sous son aspect pharaonique, mais est également présent un artisanat contemporain égyptien.
C'est en 1869 qu'a lieu la première exposition consacrée à l'Orient, qui exhibe des objets persans et indiens de grandes collections. On y trouve ainsi céramiques, peintures, métaux et tapis. Mais il faut attendre encore presque dix ans pour qu'apparaisse dans une exposition universelle la première galerie consacrée à l'Orient, présentant des objets anciens d'« art musulman ».
Les années 1870-1910 connaissent aussi le développement d'expositions spécifiques. Londres présente l'art persan, tandis qu'à Paris, Georges Marye expose 1 500 objets d'« art musulman » en 1893, date importante dans l'histoire de la discipline : en effet, c'est cette année qu'est créée au Louvre une section consacrée aux arts de l'Islam, incluse dans le nouveau département des objets d'art. Une exposition aura de nouveau lieu à Paris, aux arts décoratifs, en 1903, sous la direction de Gaston Migeon et de Koechlin. À la suite d'une exposition de Munich, le premier catalogue d'art islamique est publié en 1910 par Sarre et Martin. Deux ans plus tard, Marteau et Vever éditent Les Miniatures persanes, à la suite d'une exposition des arts décoratifs. Au musée du Louvre, les premières salles d'art musulman ouvrent en 1905, auxquelles s'en ajoutent d'autres en 1922. À Berlin, c'est également dans l'année 1905 que le Kaiser Museum ouvre ses salles, confiées à Sarre.
La colonisation entraîne, en France, l'intensification des recherches sur l'art maghrébin, en Algérie, puis en Tunisie et au Maroc. La création des archives berbères indique l'intérêt que portent alors les européens à ces régions. Dès la seconde moitié du 19ème siècle, les monuments algériens sont recensés pour Napoléon III. Toutefois, l'aspect estudiantin et conservatoire n'apparaît que dans les années 1900-1950. En 1897 est installé un musée national d'art musulman, en 1905, une exposition d'art musulman se tient à Alger.
L’appellation « art islamique » a été préférée dans la deuxième moitié du XXe siècle. Toutefois, l’existence réelle d’un tel art, ou du moins de son unité, a été mise en doute par de nombreux auteurs. En 1971, l’exposition « Arts de l’Islam, des origines à 1700, dans les collections publiques françaises » au musée du Louvre, marque un nouveau tournant. Le pluriel est fréquemment employé par les historiens de l’art pour désigner l’ensemble des créations artistiques des pays sous influence musulmane.
Ainsi, la salle d’« art musulman », ouverte en 1905 au sein du département des Objets d’art du musée du Louvre, est devenue une section indépendante près d’un siècle plus tard : le département des arts de l’Islam.
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